Dans un monde où la technologie occupe une place croissante, l'accessibilité se présente comme un enjeu essentiel pour garantir l'inclusion de tous, y compris des personnes en situation de handicap. Pourtant, bien que des réglementations existent, l'accessibilité reste souvent reléguée au second plan par les entreprises, qui priorisent la conformité légale plutôt qu'une véritable prise en compte des besoins des utilisateurs. Se contenter de respecter les normes techniques sans penser à l'expérience pratique limite considérablement l'impact des initiatives d'accessibilité mettant en lumière un défi majeur pour l'industrie : aller au-delà de la simple conformité pour offrir des produits et services réellement inclusifs, capables de répondre aux besoins de tous.
L'accessibilité : un défi au second plan
Que ce soit pour se déplacer, communiquer, accéder à des services de santé, ou encore interagir avec des outils numériques, l'accessibilité doit garantir que chaque personne, exploitant ses capacités, puisse utiliser pleinement les services et espaces disponibles. En France, la loi du 11 février 2005 promet l'égalité des chances en imposant des normes d'accessibilité non seulement pour les services numériques, mais aussi pour les bâtiments, les transports et les équipements publics. Cependant, malgré ce cadre législatif, l'accessibilité reste souvent reléguée au second plan.
Cette négligence est en partie due à des priorités économiques qui poussent certaines entreprises à voir l'accessibilité comme un coût plutôt qu'un investissement. Dans un contexte où la rentabilité est souvent recherchée à court terme, l'adaptateur des infrastructures ou la conception des produits accessibles est perçu comme une contrainte. Cela conduit à des choix où les besoins spécifiques des personnes en situation de handicap ne sont pas suffisamment pris en compte, limitant ainsi leur participation pleine et entière à la société. Pourtant, ce manque d'attention à l'accessibilité ne fait que renforcer les inégalités, privant les personnes concernées de leur autonomie et de leur droit à des services essentiels.
Le piège de la conformité sans réelle accessibilité
Face aux obligations légales croissantes, certaines entreprises adoptent une approche minimaliste de l’accessibilité en cherchant avant tout à répondre aux normes, sans toujours s'assurer que leurs produits soient réellement utilisables par les personnes en situation de handicap. Cette conformité « de façade », créant une fausse impression de progrès, peut se traduire par l’ajout de quelques fonctionnalités techniques pour répondre aux exigences, sans évaluation approfondie de l’expérience des utilisateurs finaux. Par exemple, des bâtiments équipés de rampes ou des applications numériques avec des ajustements de contraste peuvent sembler accessibles, mais leur conception n’a pas forcément pris en compte l’usage réel par les personnes concernées, ce qui en limite l’impact.
Ce phénomène découle souvent d'une vision de l'accessibilité comme une simple obligation réglementaire. Les entreprises se concentrent sur les éléments visibles ou techniques qui leur permettent de répondre aux standards, mais sans nécessairement tester leurs produits et services avec des utilisateurs concernés par ces fonctionnalités. Une application peut, par exemple, suivre les normes d’accessibilité numérique, mais si elle n'est pas compatible avec les lecteurs d'écran ou exige des interactions complexes, elle restera difficile d'accès pour les personnes déficientes visuelles. De même, des bâtiments peuvent répondre aux critères d’accessibilité mais présentent des obstacles pour les personnes à mobilité réduite, comme des portes trop lourdes ou des ascenseurs mal situés.
Cette approche de la conformité, permettant d'éviter des sanctions, passe cependant à côté de l’objectif central : créer des expériences inclusives qui répondent aux besoins réels des personnes en situation de handicap. Pour y parvenir, l’accessibilité doit être intégrée dès la conception et inclure des tests avec les personnes concernées. En plaçant l’utilisateur au centre du processus de développement, les entreprises peuvent ainsi dépasser la simple conformité légale pour offrir des solutions véritablement accessibles. C’est cette démarche qui, à terme, favorise l’inclusion et permet à chaque utilisateur de tirer pleinement parti des produits et services, quels que soient ses besoins spécifiques.
hapiix : au-delà des normes, une vision inclusive
Dans le cadre de ses échanges avec Patricia Pinglot, spécialisée dans l’accompagnement des entreprises innovantes vers la mise aux normes de l’accessibilité, et la Fédération des Aveugles de France (FAF), hapiix a pris conscience d'une réalité souvent ignorée par les grandes entreprises technologiques : l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap visuel. Grégory Verdon, cofondateur d’hapiix, souligne que « les grands industriels ne prennent que rarement en compte les besoins spécifiques de ces personnes lors de la conception de leurs produits. Ce n'est pas un choix, mais un manque de considération. »
Un exemple emblématique de cette problématique est celui de Thierry Jammes, non-voyant, qui a dû acheter deux machines à laver avant de trouver un modèle qu’il pouvait utiliser de manière autonome. En effet, la plupart des appareils électroménagers sont conçus avec des interfaces visuelles et tactiles peu adaptées aux personnes en situation de handicap visuel, rendant leur utilisation difficile, voire impossible. « Cela montre bien l’écart qu’il y a entre ce que les industriels conçoivent et la réalité » explique Grégory. « Ce que nous avons appris en travaillant avec des personnes comme Thierry, c’est que chaque produit doit être pensé pour être utilisable par tous. »
En échangeant étroitement avec Patricia, hapiix a conçu un prototype qui a été testé directement par un panel d’utilisateurs déficients visuels. Ces tests ont permis d’identifier des améliorations essentielles, telles que l’intégration de l’inscription en braille, du repérage tactile du QR code et de la dictée vocale. Intégrées dans les solutions hapiix, ces fonctionnalités renforcent l’accessibilité et offrent une utilisation en toute autonomie. « Ce que nous avons appris grâce à la FAF, c'est que le simple fait de cocher la case ‘conforme aux normes’ n'est pas suffisant, » conclut Grégory. « Il est essentiel de créer des produits qui sont réellement utiles pour les personnes en situation de handicap, en tenant compte de leur vécu quotidien. »
En outre, en dépassant les attentes normatives, hapiix souhaite apporter une réponse concrète à ce besoin urgent d’adapter les technologies aux défis réels des utilisateurs en situation de handicap visuel. En effet, au-delà du cadre légal, l'accessibilité doit être vue comme un impératif moral et une responsabilité sociétale pour toutes les entreprises et institutions. En développant des produits, services et infrastructures inclusifs, les entreprises ne se contentent véritablement pas de respecter la loi ; elles participent activement à une société plus équitable et plus juste. Pour l'industrie, cela implique d'adopter une approche axée sur les besoins réels des utilisateurs, ce qui permet non seulement de favoriser l'inclusion, mais aussi de renforcer l'image de marque et la pérennité.